DUDIEU FLASH N° 67 : « Les prérogatives de l’OAPI ne sont pas étendues au pouvoir d’assurer la protection de la notoriété d’une marque ».
7 août 20201 – QUI EST ARTISTE INTERPRÈTE ?
L’article 51 de l’Accord de Bangui Révisé, Acte de 2015 donne une définition assez précise :
« Les artistes interprètes ou exécutants sont les acteurs, chanteurs, musiciens,danseurs,et autres personnes qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de toute autre manière des œuvres littéraires ou artistiques ou des expressions culturelles traditionnelles ». En d’autres termes, l’artiste interprète est la personne physique qui pose sa voix sur une œuvre sans en être forcément l’auteur .
C’est le cas d’Alexia, Tatiana, Les Mawasa, Mercy Capella et Charles Ewanje qui interprètent les chansons écrites par Sam Mbende, ou des artistes qui choisissent de reprendre des chansons écrites par d’autres artistes et qui doivent à ce titre demander l’autorisation à l’auteur ou à leur ayants droit.
L’auteur de paroles d’une chanson peut également composer la musique et l’interpréter dans le cadre d’un spectacle, d’un concert ou même d’un enregistrement en studio. Il est alors auteur-compositeur-interprète.
À ce titre, il est titulaire à la fois de droits d’auteur et de droits voisins.
Le droit voisin peut se définir comme un droit connexe au droit d’auteur. C’est une manière de protéger le travail d’artistes qui n’auraient pas créé à proprement parler une œuvre artistique, mais qui apporte une valeur ajoutée à une œuvre préexistante. Peu importe que l’œuvre en question soit protégée ou tombée dans le domaine public.
QUESTION 2 – Quels sont les droits de l’artiste interprète ?
L’artiste interprète rentre dans la catégorie des droits voisins (voir la définition de droit voisin à la question 1).
L’artiste interprète jouit d’un droit moral et des droits patrimoniaux.
Pour le droit moral, il est défini à l’article 55 de l’Accord de Bangui Révisé, Acte de Bamako du 14 décembre 2015 :
- le droit à la paternité, c’est-à-dire le droit au respect de son nom, de sa qualité .
- le droit a l’intégrité, c’est-à-dire le droit au respect de l’interprétation ou exécution.
Il faut retenir quatre caractéristiques attachées aux droits de l’artiste interprète :
- Perpétuel : la durée de sa protection n’est pas limitée
- Inaliénable : le droit voisin ne peut faire l’objet de renonciation ou de transfert par son titulaire
- Imprescriptible. Aucune prescription ne peut éteindre le droit d’agir en justice pour le faire respecter.
- Insaisissable : ces droits ne peuvent être placés sous main de justice pour le paiement d’une dette
Pour les droits patrimoniaux, ce sont eux qui permettent à l’artiste interprète d’autoriser ou d’interdire l’utilisation de l’interprétation qu’il a faite d’une œuvre.
Les droits patrimoniaux de l’artiste interprète sont composites :
- Le droit de fixation qui vise tout enregistrement réalisé à partir de la prestation de l’artiste interprète.
- Le droit de distribution vise des copies tangibles des fixations destinées à la mise en circulation .
- Le droit de communication au public qui vise les différents modes d’exploitation dont l’œuvre interprétée par l’artiste peut faire l’objet.
Comme le droit moral, il faut retenir deux caractéristiques attachées aux droits patrimoniaux :
- Cessible :L’artiste interprète ou ses ayants droit peuvent choisir de céder les droits patrimoniaux à un tiers et charger ainsi ce dernier d’exploiter l’œuvre.
- Limité dans le temps: La protection conférée par les droits patrimoniaux est effectivement limitée dans le temps puisqu’elle dure 20 ans . Il court à partir du 31 décembre de l’année de fixation et 50 ans lorsque l’interprétation ou l’exécution est fixée sur un vidéogramme ou phonogramme à compter du 31 décembre de l’année de leur fixation.
Attention : Après ces délais, l’artiste interprète ou ses ayants droits ne peuvent plus décider d’autoriser ou d’interdire l’utilisation de l’interprétation. L’œuvre interprétée est réputée tomber dans le domaine public.
Le droit moral subsiste néanmoins et ceux qui souhaitent exploiter l’œuvre interprétée peuvent le faire sans qu’il soit besoin de demander d’autorisation mais à la condition de respecter le nom de l’artiste interprète ainsi que la qualité de son interprétation.
QUESTION 3 : Quelles sont les particularités d’un contrat d’artiste interprète ?
Il faut rappeler à titre préliminaire que seuls les droits patrimoniaux peuvent faire l’objet d’une cession auprès d’un tiers.
L’objectif de cette cession pour l’artiste est de permettre l’exploitation ou l’utilisation de son interprétation en la confiant à des professionnels. Céder les droits patrimoniaux afférents à son œuvre interprétée signifie qu’il autorise un tiers à l’exploiter.
Cette cession peut être par exemple faite au bénéfice d’un producteur de phonogramme qui prendra la forme d’un label ou d’une maison de disques qui sera chargé de produire un enregistrement de l’œuvre interprétée. À ce sujet, sachez qu’il est tout à fait possible de créer un label de musique.
Attention, en contrepartie de cette cession, l’artiste interprète s’engage à ne plus disposer de son œuvre comme il veut. C’est-à-dire qu’il ne peut pas choisir de l’exploiter seul, sans demander l’accord au nouveau titulaire de ses droits patrimoniaux.
La cession de droits patrimoniaux est donc un acte très important pour l’artiste qui perd une partie de sa capacité à jouir de l’œuvre qu’il a interprétée. En échange de cette cession, il doit obligatoirement bénéficier d’une rémunération.
Quelle est la forme des autorisations adopter ?
L’article 58 de l’Accord de Bangui révisé, Acte de Bamako du 14 décembre 2015 impose la signature d’un contrat entre l’artiste interprète et le professionnel à qui il entend céder ses droits.
L’exigence de l’écrit imposé par la loi a pour objectif premier de protéger l’intérêt de l’artiste, considérée comme la partie faible.
Lorsqu’il signe un contrat de cession de ses droits patrimoniaux avec un producteur, il s’agit d’une forme de contrat de musique qui doit répondre à un formalisme particulier.
Chacun des droits cédés doit faire l’objet d’une mention distincte. Il faut impérativement préciser s’agissant de la cession des droits envisagée : l’étendue, la destination, le territoire, la durée. Il est obligatoire également de préciser comment sera rémunéré l’artiste.
Voici notre recommandation pour vous, artiste interprète :
Il est impératif de vous rapprocher d’un avocat lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet est la cession de certains de vos droits.
QUESTION 4 : comment se calcule la rémunération de l’artiste interprète ?
L’accord de Bangui révisé, Acte de Bamako du 14 décembre 2015 pose le principe de la rémunération équitable soumis à 2 conditions :
- Premièrement, le phonogramme doit avoir été mis dans le commerce.
- Deuxièmement, il faut que le phonogramme du commerce soit utilisé directement pour la radio, pour la télévision ou encore d’autres diffusions au public des œuvres qu’il contient tels les boîtes de nuit, les restaurants, les snacks…
Voici ce que perçoit l’artiste interprète.
Lorsque l’organisme de gestion collective collecte la rémunération équitable auprès des utilisateurs, il déduit ses frais de gestion et l’artiste interprète perçoit 50 % qui représente la moitié du montant restant .
QUESTION 5 : Quelles sont les sanctions en cas de violation des droits voisins de l’artiste interprète ?
La violation ici s’entend de l’exploitation de l’interprétation ou exécution d’un artiste sans son autorisation.
L’article 73 de l’Accord de Bangui révisé, Acte de Bamako du 14 décembre 2015 punit de 03 mois a 02 ans d’emprisonnement et dune amende de 1 000. 000 à 10 000 000 de Fcfa ou de lune de ses deux peines toute fixation, toute reproduction, toute communication mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion d’une œuvre, d’une interprétation ou exécution ou dune émission, effectuée au mépris des protégés .
On peut citer les principaux actes de contrefaçon de droit voisin :
- La reproduction intégrale ou partielle, définitive ou temporaire d’une œuvre sans autorisation. Par exemple, c’est le cas du téléchargement.
- La représentation d’une œuvre sans autorisation. Par exemple, le fait de chanter dans une salle de concert.
Ces peines peuvent être doublées en raison des circonstances aggravantes .
La loi prévoit également des sanctions comptables par exemple la confiscation des recettes saisies, la destruction des exemplaires contrefaisants…