Une marque peut avoir été valablement enregistrée, encore faut-il l’exploiter
15 mai 2020Déposer sa marque à l’OAPI
15 mai 2020D’abord le texte pertinent en la matière au Cameroun est la Loi de 2000/011 relative au droit d’auteur et droits voisins, qu’il convient de combiner avec les dispositions de La Convention de Berne régissant sur le plan international le droit d’auteur et d’autres textes spécifiques à chaque activité.
Dans le cas de la succession de Johnny Hallyday, les enfants du decujus soupçonnent la veuve de leur père Laetitia d’avoir fait manipuler les textes des chansons de leur père en y incluant des passages qu’ils qualifient de « publicitaires ». Ils ont saisi le juge pour « écouter à nouveau les chansons et s’assurer que les textes n’ont pas été mutilés et déformés ». Plus prosaïquement, c’est pour éviter toute atteinte à L’INTEGRITE DE L’ŒUVRE de leur père que les enfants de Johnny Hallyday ont saisi la justice, car entre le jour où il est tombé gravement malade et le jour de son décès, beaucoup de personnes ont de l’aveu même de la veuve Laetitia, « manipulé » lesdites chansons et ont pu ajouter des passages qui trahissent l’esprit de leur père. Les enfants souhaitent donc à nouveau écouter les œuvres (chansons) pour s’assurer que celles qui seront divulguées respectent bien la volonté de leur père.
En droit de la propriété intellectuelle, le respect de l’intégrité d’une œuvre artistique est un droit moral. Ce droit est incessible, inaliénable et perpertuel, car subsiste toute la vie de l’auteur et 50 ans après sa mort. L’autre particularité du droit moral est qu’il n’est pas géré par les sociétés de gestion colllectives, puisque étant « attaché à la personne de l’auteur ».
Ce droit moral est donc différent du droit patrimonial que leur père prédécédé avait confié à la société américaine de gestion de droit d’auteur dont il était membre.
Ceci expliqué, quelques questions assorties de réponses sont nécessaires pour bien comprendre le bien fondé de l’action des héritiers Hallyday.
1- Qu’est-ce que le droit d’auteur ?
(Article 3 alinéa 1) Le droit d’auteur est toute œuvre du domaine littéraire ou artistique, quels qu’en soient le mode, la valeur, le genre, la destination ou l’expression.
2- Quels sont les attributs du droit d’auteur ?
L’article 13 alinéa 2 de la loi camerounaise n° 2000/11 du 19 décembre 2000 relatives au droit d’auteur dispose que le droit d’auteur comprend deux attributs : les attributs d’ordre patrimonial et les attributs d’ordre moral ;
3- Qu’elles sont les composantes de chaque attributs ? (Article 14)
DROIT PATRIMONIAL : (Article 15) Le droit de représentation, le droit de reproduction, le droit de transformation, le droit de distribution et le droit de suite.
DROIT MORAL : (Article 14 1 c ) Les droits moraux confèrent au titulaire du droit d’auteur, indépendamment de ses droits patrimoniaux et même après la cession desdits droits, les droits exclusifs de défendre l’intégrité de son œuvre en s’opposant notamment à sa déformation ou à sa mutilation ;
4- Qu’elles sont les personnes chargées de gérer ces attributs ?
DROIT PATRIMONIAL : L’auteur directement ou indirectement par une société de gestion collective à laquelle il a adhéré.
DROIT MORAL : L’AUTEUR UNIQUEMENT, car les droits moraux sont attachés à la personne du titulaire du droit d’auteur. Ils protègent la personnalité du titulaire à travers son œuvre. Ils sont notamment perpétuels, inaliénables, imprescriptibles et insusceptibles de renonciation (Article 14 alinéa 4);
5- Quels sont les droits gérés par les sociétés de gestion collective ?
Les sociétés de gestion collective gèrent exclusivement les droits patrimoniaux lorsque l’auteur y a adhéré (car la loi lui donne la latitude de gérer lui-même ses droits patrimoniaux). La loi exclut expressément la gestion des droit moraux de l’assiette des droits gérés par les sociétés de gestion collective.
Lire à ce sujet :
- Dr Christophe SEUNA, Les organismes de gestion collective au Cameroun, e-bulletin du droit d’auteur, juillet-septembre 2004, page 10 ;
- Maître Nicolas GODIN, la Gestion collective des droits d’auteur et droits voisins, page 3
- Paula SCHEPENS, Guide sur la gestion collective des droits d’auteur de l’UNESCO
6- Qu’entend-on par contrefaçon du droit d’auteur ?
(Article 80 C ). Est constitutive de contrefaçon « … toute atteinte au droit moral ».
Le droit à l’intégrité d’une œuvre est une atteinte au droit moral. Par conséquent, en portant atteinte à un droit moral d’une œuvre, on commet un acte de contrefaçon de droit d’auteur.
7- Qu’entend-on par atteinte à l’intégrité d’une œuvre ?
Toute œuvre littéraire ou artistique reflète ou exprime en quelque sorte la personnalité de son auteur, PORTE L’EMPREINTE DE SA PERSONNALITÉ.
Dès lors porter atteinte à l’œuvre, c’est porter atteinte à la personne même dont l’œuvre émane.
L’auteur est donc fondé à interdire toute modification, mutilation, ajout et altération ; Il peut donc légitimement s’attaquer aux modifications faites sans son accord, telles que les mutilations, dénaturations ou transformation qui trahissent l’esprit de son œuvre.
Le devoir de respecter l’intégrité de l’œuvre s’impose à tous. Toutes clauses ou conventions contraires sont nulles.
Cass Civ, 28 janvier 2003, Bull.Civ I, n° 28
Les exemples jurisprudentiels sont nombreux :
- L’Editeur n’a pas le doit d’ajouter des couleurs à une œuvre noir et blanc ;
- Le distributeur d’un film n’a pas le droit d’ajouter une musique à un film ;
- Une personne n’a pas le droit d’ajouter des paroles publicitaires à une musique sans l’accord de l’artiste;
- Une société n’a pas le droit d’utiliser de quelque manière que ce soit, même de façon accessoire l’oeuvre sans le consentement de son auteur.
La Convention de Berne régissant sur le plan international le droit d’auteur précise que « indépendamment des droits patrimoniaux de l’auteur et même après la cession desdits droits, l’auteur conserve le droit de s’opposer à la déformation, mutilation ou autre modification de son œuvre préjudiciable à son honneur ou à sa réputation » ;
Cour de Justice des communautés Européenne, Session du 20 octobre 1993, Revue Internationale du Droit d’auteur 1994, n° 159, page 304, affaire PHIL Collins contre Radio France Internationale
Toute oeuvre artistique est créée pour divertir. Changer sa destination en l’incorporant sur une plaquette nécessite l’accord exprès de l’auteur. C’est pourquoi la jurisprudence enseigne que « modifier cette destination nécessite l’accord de l’auteur, faute de quoi il y’aura atteinte à son droit moral » ;
Cour de cassation, 1ere chambre Civile, 28 janvier 2003, Bull Civ , n°28, page 23.
Confirmant cette jurisprudence, la Cour de cassation Française et la Cour d’Appel de Paris martèlent à l’unisson que « utiliser une œuvre artistique à des fins de publicité commerciale change la perception de l’œuvre et ne correspond pas à la finalité qui motive, explique et justifie la divulgation initiale : il faut donc l’accord de l’auteur pour changer ainsi cette destination» ;
Cour, d’Appel de Paris 25 juin 1996, Revue Internationale du Droit d’auteur (RIDA) Janvier 1997, page 337.
Cour de cassation, 1ere chambre Civile, 28 janvier 2003, Bull Civ 1, n°28, page 23 ; Revue Internationale du Droit d’auteur (RIDA) Avril 2003, Page 415 ; D.2003, page 559.
Cour d’Appel de Paris, 8 septembre 2004, 4ème Ch. Section A, Affaire Société PUBLICIS Conseil contre société GAUMONT
La doctrine et la jurisprudence s’accordent pour dire que « pour qu’une œuvre soit exploitée à des fins publicitaires, elle doit recevoir l’autorisation expresse et écrite de l’artiste, car la synchronisation d’une oeuvre avec un message publicitaire porte atteinte, PAR SA NATURE MEME, au droit moral de l’auteur. Le respect du droit à une œuvre en interdit toute altération qu’elle qu’en soit l’importance. »
Cour de cassation, 1ere chambre civile, 24 février 1998, Affaire TF1 c/SONY, D.1998, IR 82
De même « l’incorporation d’une œuvre dans une affiche publicitaire altère le caractère de cette œuvre conçue au départ comme un DIVERTISSEMENT. En utilisant cette œuvre comme support visuel d’une plaquette publicitaire, le bénéficiaire de la publicité détourne cette œuvre de sa destination, la dénature et porte atteinte au droit moral de l’auteur, et doit réparer le préjudice moral qu’il subit » ;
Cour d’Appel de Paris, 4eme chambre 7 avril 1994, Affaire LA 5 c/ ISLAND Music, D.1944, IR 156